Mater avec la mauvaise pièce

Le conducteur des blancs touche son cavalier mais réalise subitement qu'il a omis de voir un mat en un coup avec sa dame. Il remet donc le cavalier à sa place et joue le coup gagnant. Une dispute s'en suit. Le conducteur des blancs prétend que le mat avec un coup légal termine immédiatement la partie et que tout ce qui survient après est sans importance tandis que le conducteur des noirs exige que son adversaire effectue un coup avec son cavalier. Qui a raison?

Ce cas a été choisi afin d'expliquer pourquoi la FIDE a modifié l'article 5. L'article tel qu'il est écrit actuellement stipule que le mat avec un coup légal termine immédiatement la partie. L'actuel article 4 stipule qu'un joueur perd le droit de réclamer pour une violation de la règle connue informellement sous le vocable de «pièce touchée, pièce jouée» lorsqu'il touche délibérément une pièce. Le conducteur des noirs n'ayant rien touché, sa réclamation est donc recevable. Cependant, la partie s'est terminée avant que sa réclamation n'ait été présentée.

Dans un premier temps, il faut rejeter la prétention des blancs que tout ce qui survient après la fin officielle de la partie est sans importance par ce qu'elle ne s'applique pas à ce cas. Le conducteur des blancs cite une décision du comité des règlements de la FIDE sans la comprendre. La règle que tout ce qui survient en raison d'une action ou d'une omission d'un joueur après la fin officielle de la partie a été invoquée lorsque la FIDE a eu à se pencher sur le cas suivant: le conducteur des blanc joue un coup légal, ce coup est tellement menaçant (mat en un coup) que le conducteur des noir abandonne avant d'avoir réalisé le pat. Quel sera le résultat officiel de cette partie? Le résultat officiel est partie nulle par pat qui termine immédiatement la partie. L'abandon qui survient après la fin de la partie étant sans valeur. Mais dans le cas qui nous occupe, la violation de l'article 4 a eu lieu avant le mat, donc durant la partie. Il n'y a aucun point commun entre un abandon après la fin de la partie et une violation des règles commise durant la partie. Il n'y a que la réclamation de l'adversaire qui survient après la fin de la partie, l'action fautive ayant clairement été commise durant la partie. Le conducteur des noirs ne pouvaient pas réclamer avant que le coup fautif des blancs ait été exécuté, donc il n'avait aucune possibilité de réclamer avant la fin officielle de la partie. Plus précisément, il n'y aurait aucune violation de l'Article 4 si le conducteur des noirs touchait son cavalier, puis sa dame et qu'il remettait sa dame sur sa case de départ avant de jouer un coup légal avec le cavalier qu'il a touché. Il n’y a violation que lorsque la dame est lâchée sur une nouvelle case vide ou, dans le cas d’une capture, dès que la dame a été lâchée sur la nouvelle case et que la pièce capturée a été retiré de l’échiquier. Le conducteur des noirs ne peut pas présenter une réclamation avant la commission de l’infraction. Le problème est que l’infraction termine immédiatement la partie ne laissant au conducteur des noirs aucune possibilité de réclamer avant la fin de la partie.

Afin de s'assurer que tous les arbitres vont rejeter la réclamation du conducteur des blancs et accorder celle des noirs, la FIDE a modifié l'article 5.1. À compter du premier juillet 2014, le mat avec un coup légal terminera immédiatement la partie uniquement si le coup légal joué respecte les articles 4.2 à 4.6 inclusivement. Autrement dit, si le joueur a respecté la règle: «pièce touché pièce jouée». Le joueur fautif ne pourra donc plus tenter de se réfugier derrière la fin de la partie afin d'éviter les conséquences de ses actes.

Il y a unanimité auprès des arbitres québécois auxquels j'ai parlé, cette précision ajoutée par la FIDE est peu utile par ce que personne n'aurait accepté la réclamation du conducteur des blancs.

Dans le même ordre d'idée, la FIDE a aussi modifié le règlement sur le pat et celui sur la position morte en exigeant dans les deux cas que le coup soit légal et respectueux des articles 4.2 à 4.6 inclusivement.

Pourquoi pas expulser le conducteur des blancs?

Sa tentative de gagner est antisportive, on devrait l'expulser!

L'arbitre agit avec tempérance dans un esprit de conciliation

L'arbitre ne prend pas plaisir à expulser un joueur. C'est la solution de dernier recours. Cette faute non répétée ne saurait justifier une expulsion. Je ne connais aucun comité d'appel qui accepterait un tel manque de modération de la part de l'arbitre.

Cette expulsion est très loin de ce qui est enseigné dans les stages comme motif acceptable pour justifier une expulsion. En fait, cette expulsion serait totalement inacceptable par ce qu'elle passerait à côté de l'obligation d'agir avec tempérance dans un esprit de conciliation. Même si le conducteur des blancs refusait de jouer la pièce touchée, il n'y aurait pas lieu de l'expulser. Dans ce cas, la partie serait déclarée perdue pour le conducteur des blanc pour avoir refusé obstinément de se soumettre aux règlements (Article 12.8).